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Semina Veritatis
14 février 2008

Les marchands chassés du temple

Il trouva dans le temple les vendeurs de boeufs, de brebis et de pigeons, et les changeurs assis. Ayant fait un fouet avec des cordes, il les chassa tous du temple, ainsi que les brebis et les boeufs; il dispersa la monnaie des changeurs, et renversa les tables; et il dit aux vendeurs de pigeons: "Otez cela d'ici, ne faites pas de la maison de mon Père une maison de trafic." Ses disciples se souvinrent qu'il est écrit: "Le zèle de ta maison me dévore." Les Juifs, prenant la parole, lui dirent: Quel miracle nous montres-tu, pour agir de la sorte? Jésus leur répondit: "Détruisez ce temple, et en trois jours je le relèverai". Les Juifs dirent: "Il a fallu quarante-six ans pour bâtir ce temple, et toi, en trois jours tu le relèveras!" Mais il parlait du temple de son corps. (Jn 2, 14-21)

En lisant ce texte, on pense tout de suite aux échoppes de Lourdes, ou aux "Indulgences" contre monnaie sonnante et trébuchante, ou aux prêches de certains pasteurs qui exhortent leurs fidèles à donner toujours plus d'argent "à Dieu" (c'est-à-dire à la paroisse). Et certes, le sens le plus "littéral" de ce texte n'a rien perdu de son actualité.
Cependant, le récit le suggère: ce n'est pas d'abord le temple de pierres, c'est l'homme qui est le lieu où Dieu "réside", tout en étant infiniment au-delà de ce lieu.
Que peut alors signifier pour nous l'épisode des changeurs?

Il veut peut-être dire que nous devons laisser Dieu prendre la place qui lui revient, qu'il faut faire "place nette" en nous-mêmes et dans notre vie si nous voulons recevoir ce que Dieu nous donne.

Pour maître Eckhart, chasser les changeurs, cela veut dire chasser de nous l'attitude qui consiste à "faire commerce avec Dieu": je le prie pour recevoir des bienfaits, j'attends de mes "mérites" une "récompense", peut-être même une récompense éternelle. Or ce n'est pas à cela que le Christ nous invite, mais à la gratuité.

Mais une autre lecture est possible, et sans doute également juste. Les changeurs, cela peut signifier aussi la masse des soucis "mercantiles" qui accaparent notre esprit. Il y a une double aliénation dans notre mode de vie d'aujourd'hui, une double façon dont la société nous rend étrangers à nous-mêmes.
D'une part, on nous commande de consommer sans limite, sans quoi il n'y aurait plus de "croissance". D'autre part, on nous oblige à produire sans cesse, sans quoi il serait impossible de consommer. Notre société tend donc à nous réduire à des machines qui produisent et qui consomment, et à supprimer tout espace possible entre ces deux activités.
Nietzsche le voyait déjà, et il préconisait, comme remède à cette hyperactivité et cet hédonisme destructeurs, un retour à l'otium, au loisir humanisant de l'Antiquité. Il appelait même de ses voeux une nouvelle "vie contemplative". A partir de cet espace vierge, sans production, sans consommation, il est possible de redonner du sens à notre travail comme à notre jouissance.

Faire place nette, cela ne veut donc pas dire renoncer à ce que nous sommes, mais bien au contraire libérer un espace où nous pouvons être ce que nous sommes.

00_Les_marchands_chasses_

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