Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Semina Veritatis
14 février 2008

Epicure et le Christ


00_Epicurus"Il est do
ux, quand la vaste mer est soulevée par les vents, d'assister du rivage à la détresse d'autrui ; non qu'on trouve si grand plaisir à regarder souffrir ; mais on se plaît à voir quels maux vous épargnent. Il est doux aussi d'assister aux grandes luttes de la guerre, de suivre les batailles rangées dans les plaines, sans prendre sa part du danger. Mais la plus grande douceur est d'occuper les hauts lieux fortifiés par la pensée des sages, ces régions sereines d'où s'aperçoit au loin le reste des hommes, qui errent çà et là en cherchant au hasard le chemin de la vie, qui luttent de génie ou se disputent la gloire de la naissance, qui s'épuisent en efforts de jour et de nuit pour s'élever au faîte des richesses ou s'emparer du pouvoir." Lucrèce, De natura rerum, livre II.


Ce passage, dû au philosophe épicurien Lucrèce, est l'un de ceux qui m'ont le mieux fait comprendre la particularité de la foi chrétienne: j'entends par là tout autant la démarche de la foi elle-même, que le Dieu qui est visé dans la foi.

Le sage épicurien, en effet, regarde la condition humaine "depuis les hauts lieux de la pensée". Il ne s'engage pas dans le monde, il se retire dans son "Jardin" où il jouit tranquillement de sa propre sagesse.
A l'inverse, le "sage" de l'Ancien Testament, comme l'auteur du livre de l'Ecclésiaste, se lance dans le monde, il s'y engage en prenant des risques:

"J'ai appliqué mon coeur à rechercher et à sonder par la sagesse tout ce qui se fait sous les cieux: c'est là une occupation pénible, à laquelle Dieu soumet les fils de l'homme. [...]
Car avec beaucoup de sagesse on a beaucoup de chagrin, et celui qui augmente sa science augmente sa douleur. [...]  J'ai dit en mon coeur: Allons! je t'éprouverai par la joie, et tu goûteras le bonheur. Et voici, c'est encore là une vanité. [...] Je résolus en mon coeur de livrer ma chair au vin, tandis que mon coeur me conduirait avec sagesse, et de m'attacher à la folie jusqu'à ce que je visse ce qu'il est bon pour les fils de l'homme de faire sous les cieux pendant le nombre des jours de leur vie."

On le voit, l'Ecclésiaste explore la condition humaine avec sa chair et son sang, ce qui ne l'empêche pas d'être lucide.

Il y a une différence semblable entre les dieux d'Epicure et le Dieu des Juifs. Les premiers jouissent de leur béatitude divine sans se soucier des hommes; le second s'engage dans leur histoire, il fait "alliance" avec eux, et reste fidèle à son alliance bien qu'il soit rarement payé de retour.
D'après la révélation chrétienne, Dieu pousse cet engagement pour les hommes jusqu'à s'incarner: il se fait homme comme eux, afin qu'ils puissent être réunis à la vie de Dieu. Ce Dieu fait homme pour les hommes, c'est bien sûr Jésus-Christ. Il y a un monde entre ce Dieu solidaire et les divinités d'Homère, qui ne quittent leur Olympe que pour séduire une mortelle de temps en temps...

Dans l'incarnation, Dieu se confie aux hommes, il accepte de naître, de grandir, de mourir parmi eux. De même, la foi que Dieu attend de l'homme, c'est un engagement de toute la personne: c'est un élan de l'homme vers Dieu, malgré les doutes légitimes, malgré l'absence de preuve absolue. Mais à l'homme qui s'engage, il arrive que Dieu fasse le don d'une évidence qui surpasse toutes les preuves.

Publicité
Publicité
Commentaires
Semina Veritatis
Publicité
Derniers commentaires
Publicité